Tentatives de bonnes réponses à des questions qui peuvent ne pas l'être |
Pour mieux cerner la différence fondamentale qui existe entre ces deux types d'applications il est nécessaire de situer dans le temps leur apparition respective.
Jusque dans les années 70 les programmeurs rédigeaient le plus souvent leurs programmes sur des formulaires volants appelés bordereaux de programmation. Ces bordereaux étaient transmis à un atelier de saisie, interne ou non à l'entreprise, où des opératrices (métier essentiellement exercé par des femmes) les transcrivaient sur des cartes perforées, chacune représentant le contenu d'une ligne du bordereau. Tous les travaux étaient à cette époque soumis à l'ordinateur par l'intermédiaire d'un lecteur de cartes perforées.
Cette méthode de travail induisait de longs délais dans l'écriture et la mise au point des programmes.
Avec le temps partagé (time sharing) les programmeurs ont pu travailler en ligne au travers de consoles. Rappelons car c'est important, qu'au début ces consoles se présentaient sous la forme d'une imposante machine à écrire dérivant directement des téléscripteurs.
Simultanément des applications, les éditeurs de texte, ont été mises à leur disposition afin de leur permettre d'accéder en ligne aux fichiers contenant leurs programmes, d'en imprimer le contenu et de le modifier. Toutefois, pendant un certain temps encore, un programme pouvant comporter des centaines voire des milliers de lignes, la saisie initiale restera confiée aux ateliers de saisie.
Compte tenu de la nature de ces consoles la seule manière de modifier un programme était, à l'aide de commandes, de dire quelle opération devait être effectuée (modification, insertion, suppression, etc.) et sur quelles lignes elle devait porter, le tout éventuellement suivi du nouveau texte à prendre en compte. Le fait d'être contraint d'opérer ligne à ligne a donné son nom à ce type d'éditeur de texte. On parle d'éditeur ligne ou d'éditeur en mode ligne.
Dans un premier temps le remplacement des lourdes consoles par des couples clavier-écran, assez imposants aussi il faut bien le dire, n'a strictement rien changé. Certains éditeurs de texte datant de cette époque existent toujours et sont toujours susceptibles d'être utilisés dans des cas extrêmes, quand il n'existe plus d'autres ressources.
Pendant longtemps Microsoft n'a fourni avec ses systèmes d'exploitation qu'un simple éditeur ligne portant un nom évocateur : edline.
Par rapport à une imprimante l'écran possède un immense avantage. Le curseur permet de se positionner n'importe où dans la page affichée et, si l'application l'autorise, n'importe où dans le fichier. La page écran se comporte alors comme une fenêtre devant laquelle on peut faire défiler pas à pas l'intégralité du fichier (scrolling), dans un sens ou dans l'autre.
Grâce à cette souplesse une nouvelle génération d'éditeurs de texte a pu naître : les éditeurs plein écran.
Ce type d'éditeur est toujours susceptible de nécessiter l'utilisation de commandes mais l'action recherchée est effectuée là où se trouve le curseur et il est possible de modifier des lignes, ou d'en insérer, in situ.
Sur les gros systèmes centraux IBM ce type d'application a été développé par le constructeur ou par des tiers, aussi bien dans le cadre du temps partagé (ISPF/PDF) qu'en exploitant le potentiel d'un moniteur transactionnel (Librarian on line par exemple) ou aussi en tant qu'application indépendante (Roscoe a eu son heure de gloire).
Chez Microsoft l'éditeur plein écran accompagnant Qbasic (le langage Basic maison) a été adapté pour être fourni en standard avec MS-DOS à partir de la version 5 sous le nom on ne peut plus simple d'edit.
Il serait difficile de ne pas mentionner vi (toujours prononcé à l'anglaise, vi-aie), l'éditeur de base accompagnant tous les systèmes Unix / Linux. Il s'agit d'un éditeur plein écran à l'aspect minimaliste et au maniement déroutant pour un débutant puisqu'il faut jongler en permanence entre le mode saisie et le mode commandes.
Dans l'illustration ci-dessous on est en mode commandes. La commande saisie q! (quitter sans enregistrer) s'est affichée automatiquement sur la dernière ligne de l'écran, précédée du caractère deux points qui la distingue du texte proprement dit.
Même si des logiciels de traitement de texte ont existé, et existent encore, dans l'environnement grands systèmes centraux, ce n'est pas leur faire injure de dire qu'ils se prêtent mal à ce genre d'applications. L'avènement des logiciels de traitement de texte correspond à l'apparition des mini puis des micro-ordinateurs.
Mais qu'est-ce qui différentie un éditeur de texte d'un traitement de texte ?
Nous l'avons exposé ci-dessus, la finalité d'un éditeur de texte est de fournir un moyen de rédiger et mettre au point des programmes, c'est à dire des lignes de code source en gardant en mémoire qu'à l'origine ligne et carte perforée sont quasi synonymes. On manipule les lignes tout comme on manipulait les cartes. L'unité de traitement dans un éditeur de texte est donc la ligne. Elle ne s'est affranchie que progressivement de la limite des 80 caractères d'une carte perforée classique.
L'objectif d'un logiciel de traitement de texte est de pouvoir rédiger, modifier du texte dit notarié (comme une lettre, un texte destiné à être publié, etc.). Dans ce cas la répartition en lignes n'est que le résultat de la mise en page. L'unité de traitement principale devient le mot (en anglais un tel logiciel est appelé word processor). Un traitement de texte passe à la ligne suivante de manière à ne pas couper les mots. Accessoirement la phrase et le paragraphe peuvent aussi constituer des unités traitées spécifiquement.
Le potentiel des micro-ordinateurs a permis la création de logiciels de traitement de texte sophistiqués. De part l'étendue de leurs possibilités (richesse typographique, possibilité d'insérer des images ou des objets créés avec d'autres applications, souplesse de la mise en page, langage de script pour créer ses propres fonctions, etc.), ils sont devenus de véritables ateliers de composition permettant à chacun de se conformer à des conventions ou de laisser libre cours à sa créativité.
À l'autre bout de la gamme on trouve des produits comme le Bloc notes de Microsoft. Il est souvent considéré comme un simple éditeur de texte mais il est néanmoins capable d'aller à la ligne sans couper les mots. Vu sous cet angle et bien qu'il ne permette aucune mise en forme, il peut entrer dans la catégorie des traitements de texte.
Les logiciels de traitement de texte sont bien connus d'une majorité d'utilisateurs même si souvent ceux-ci n'exploitent qu'une infime partie du potentiel qui leur est offert. Il n'est donc pas nécessaire de s'étendre d'avantage sur le sujet. Les éditeurs de texte sont par contre réservés à un public plus restreint et il n'est peut-être pas inutile d'y consacrer quelques mots supplémentaires.
Puisque leur objectif est d'être le compagnon du programmeur ils incorporent souvent les outils qui permettent de lancer la compilation et l'exécution des programmes ainsi que des aides à leur mise au point (points d'arrêt par exemple).
L'éditeur de texte peut être adapté à un langage de programmation particulier. Dans ce cas il apporte généralement des aides à l'écriture : vérification de la syntaxe à la volée, proposition de paramètres, boîtes à outils et bibliothèques d'objets prédéfinis, etc. Il permet également de créer graphiquement les fenêtres que le programme affichera et d'y insérer les objets auxquels nous sommes habitués (onglets, boutons, listes déroulantes, etc.).
Pour ce faire une idée de la manière dont se présente un éditeur de texte moderne il suffit d'ouvrir la fenêtre de l'éditeur adapté au langage VBA (Visual Basic for applications) inclus dans tous les composants de Microsoft Office.
Ce type de logiciel est né outre-atlantique sous le nom de text editor. La maîtrise des langues n'étant pas forcément la qualité première exigée de nos pionniers de l'informatique, le terme a été francisé en éditeur de texte sans autre forme de procès.
Dans un exercice scolaire de version une telle traduction aurait été biffée d'un trait rouge avec la mention "faux ami". Car effectivement l'anglais editor est un faux ami qui se traduit le plus souvent par rédacteur (to edit = rédiger). Le français éditeur quant à lui se traduit en anglais par publisher.
Il est difficile de se débarrasser de ses habitudes, surtout des mauvaises. On peut donc considérer aujourd'hui que notre langue s'est enrichie en donnant une nouvelle acception au mot éditeur utilisé dans ce contexte.
Eu égard à ce qui précède et par analogie avec traitement de texte il aurait été peut-être plus judicieux d'utiliser le terme traitement de (code) source ou bien en miroir avec word processor, traitement de ligne. On ne ré-écrit pas l'histoire !